Maisons de cinéma : La Mort aux trousses... à la maison Ciné-club mensuel présenté par Charlotte Garson

Les circonstances qui ont contraint les Cinoches à fermer provisoirement tronquent le ciné-club « Maisons de cinéma » de trois de ses séances – l’occasion de les organiser soi-même… à la maison !

La Mort aux trousses ou l’architecture du Mal

La Mort aux trousses (North by Northwest) Un film d’Alfred Hitchcock (USA, VO, 1959, avec Cary Grant, Eva Marie Saint, James Mason, durée : 2h16)

Disponible en VàD sur La Cinetek, Universciné, MyTF1, Orange, Canal VoD et Filmo TV, ainsi qu’en DVD et Blu-Ray, Warner Bros.

Le publiciste Roger Thornhill se retrouve par erreur dans la peau d’un espion. Pris entre une mystérieuse organisation qui cherche à le supprimer et la police qui le poursuit, Thornhill est dans une situation bien inconfortable. Il fuit à travers les Etats-Unis et part à la recherche d’une vérité qui se révèlera très surprenante.

En apparence, La Mort aux trousses se présente comme le contraire du confinement de Fenêtre sur cour : à la (dé)faveur d’un malentendu, le publicitaire de Manhattan Roger Thornhill se retrouve propulsé par une série de poursuites et de rendez-vous mystérieux sur les routes des Etats-Unis, qu’il traverse d’Est en Ouest et d’hôtel en désert, pour arriver à la scène iconique d’un décor monumental : les visages des pères de la Nation sculptés à même la roche au mont Rushmore, dans le Dakota du Sud.

Ce film d’espionnage qui ne tient pas en place mérite pourtant pleinement sa place dans le cycle « Maisons de cinéma ». En bordure de ce symbole de liberté et de démocratie qu’est le mont Rushmore, une superbe villa individuelle, en porte-à-faux sur la roche, devient le théâtre du suspense le plus tendu du film. Cette maquette complétée par un morceau de décor réel (le porte-à-faux sur lequel Cary Grant grimpe pour rentrer par la fenêtre) s’agit d’un pastiche du style de l’immense architecte Frank Lloyd Wright, et en particulier de sa Fallingwater House, construite de 1935 à 1939 (https://fr.wikipedia.org/wiki/Maison_sur_la_cascade). Ses lignes épurées parachèvent l’esthétique esquissée dès le générique du film, conçu par Soul Bass : une grille composée de lignes qui se croisent, épousant celles de gratte-ciels de Manhattan, auxquels font écho les plans réels du bâtiment de l’ONU et la vue photographiée qui reproduit son intérieur. Partout, des lignes, Thornhill étant en effet moins un personnage qu’un pur vecteur de mouvement, comme le train où il rencontre Eve Kendall (Eva Marie Saint). Cette maison moderniste – celle du méchant, Vandamm – est un espace faussement décloisonné et transparent, qui menace à chaque instant de se refermer comme un tombeau : les nouveaux habits, stylés mais trompeurs, des instances contemporaines du Mal selon Hitchcock.

Charlotte Garson