Chinatown Cycle Parler Voir

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DEBAT avec Jean-Pierre Ancele

Gittes, détective privé, reçoit la visite d'une fausse Mme Mulwray, qui lui demande de filer son mari, ingénieur des eaux à Los Angeles. Celui-ci est retrouvé mort, noyé. Gittes s'obstine dans son enquête, malgré les menaces de tueurs professionnels.

De Don Siegel, avec Clint Eastwood, Andrew Robinson, Harry Guardino

USA – Policier – 2h10 – 1974 –VOSTF

Interdit aux moins de 12 ans

Chinatown intéresse de prime abord dans le travail du temps comme une matière malléable : le film contient son lot de retournements (notamment autour des différents visages de la femme de Mulwray), mais c’est surtout dans l’étirement temporel qu’il réussit à créer son mystère. La sclérose de la ville -Los Angeles, que l’on ne voit que très peu et qui se résume à un espace déshumanisé- comme des protagonistes est visible dans l’immobilité de chaque journée. Combien de temps s’est-il passé ? À quel moment de la journée sommes-nous ? Les repères sont flous, les limites aussi. La seule certitude que le cinéaste peut capter est le fait, l’action : les meurtres et violences sont exposés crûment, mais rapidement. La caméra dénonce le crime et absorbe dans l’espace et les figures la dénaturation qu’il engendre. Polanski, en cela, ne cherche pas l’efficacité, mais traque le sournois, l’invisible.

On ne verra d’ailleurs pas ou peu les ennemis. Ils sont des listes de noms, des objets de peur fantasmée ou réelle. Ils enrobent les êtres combatifs, comme Evelyn -interprétée fort judicieusement par la vaporeuse Faye Dunaway- et Gittes -Nicholson qui s’est légèrement perdu depuis dans le cabotinage, loin de la finesse désespérée qu’il transmettait alors. Polanski ne dénonce pas l’injustice et l’irrémédiable dans l’outrance : son rôle est celui de l’observateur avisé et conscient des limites de son art, du regardant qui pointe les travers politiques sans pouvoir les altérer. De ce même aveu de compréhension et d’impuissance un brin pessimiste, le réalisateur a tiré un film noir évolutif qui préfère à l’obsession de la reconstitution celle de la justesse. Il insista d’ailleurs pour conserver la fin du film à la place d’une version plus mièvre qu’on lui proposait. Chinatown n’est pas une fresque grandiloquente, mais le travail fascinant d’un cinéaste qui cherche l’humain, désespérément, et tente de comprendre la mort, de l’apprivoiser, sans parvenir à lui échapper.